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  AGRESSION CONTRE LES RADIOS DE LUTTE
Radio Quinquin émet toujours
Manifestations hier à Lens, Auby et Avion contre l'intervention policière

Auby, petite cité minière de la banlieue de Douai, a été littéralement assiégée dimanche matin par d'importantes forces de police. La police a réussi à démonter l'antenne sans pouvoir s'emparer du matériel.
La veille, la police avait investi à Lens la maison du mineur.
On n'avait pas vu ça depuis l'occupation nazie. Le procureur de la République de Douai a prétendu que des armes avaient été découvertes dans les locaux de Radio-Quinquin. On nous précise même qu'il s'agirait de bouteilles d'essence et de frondes. Mais on sait qu'en pareil cas les locaux investis par les forces de police se transforment vite en auberge espagnole. On y trouve seulement ce qu'on veut bien y apporter. Le bureau confédéral de la CGT a, dès hier, dénoncé cette agression policière qui ne restera pas sans réplique. Les manifestations qui se sont déroulées ce week-end dans le Nord vont prendre dès aujourd'hui parmi les dockers, les mineurs et les usines une autre dimension. Mardi, un important rassemblement se déroulera à Lens. Henri Krazucki, au cours de la conférence de presse donnée hier par la CGT, a tenu à mettre en évidence que le gouvernement n'avait pas réussi à faire taire Radio-Quinquin qui continue d'émettre, malgré une nouvelle intervention dimanche dans la soirée à Avion.
LUNDI 27 OCTOBRE 1980 - JOURNAL L'HUMANITE

REPORTAGE Marc Dubois, Bernard Guery
L'alerte avait été donnée les derniers jours de la semaine. Liberté, le quotidien régional du Parti communiste, reproduisait en effet, dès samedi, un appel de la CGT à la mobilisation pour prévenir une intervention des forces de répression.
Celles-ci devaient pourtant être lâchées dès samedi vers 17 heures quand, voulant agir par surprise, une quinzaine d'hommes des Groupes rapides d'intervention s'introduisaient dans la cour de la mairie d'Auby et dans le studio tout proche, usant de grenades au chlore.
Déjà mobilisés, les militants affluaient rapidement, renvoyaient les grenades et administraient une correction telle aux hommes de main que ceux-ci devaient supplier pour sortir, sous la protection du service d'ordre, emportant avec eux quatre blessés. Mais leur attaque brutale avait aussi blessé sérieusement trois adjoints de la municipalité d'Auby, ainsi que Jean Jacques Herbin, secrétaire de l'union locale CGT de Douai.
Cette intervention provoquait une réaction immédiate des militants de la CGT, du Parti communiste et de la population.
Mille, puis deux milles personnes se rassemblaient, obligeant les gendarmes mobiles, venus en protection, à se replier sous les huées.
Le comité régional CGT et le conseil municipal d'Auby adressaient immédiatement une protestation au préfet de région. Au nom de la Fédération du Nord du PCF, Alain Bocquet apportait le soutien des communistes et appelait à soutenir la lutte. Jean-Claude Laroze, secrétaire confédéral, arrivait rapidement sur les lieux et prenait la parole sur Radio-Quinquin dans la soirée.
Le revers de l’opération policière était tellement flagrant que même les journaux régionaux titraient, comme La Voix du Nord : «Echec de l'intervention policière», ou, comme Nord Eclair : «Les policiers échouent...» Le procureur de la République et le sous-préfet de Douai, qui dirigeaient les opérations, digéraient mal cette gifle.
A Auby, cependant, des centaines de personnes veillaient toute la nuit, fêtant cette victoire tout en organisant la garde. La CGT appelait à une manifestation pour dix heures hier matin.
Dès 9 h 45 pourtant, et simultanément à Auby et à Lens, des forces considérables de police se mettaient en branle, isolaient les deux émetteurs derrière des doubles haies de gendarmes mobiles armés.

La mairie investie
Après quelques échauffourées, le service d'ordre de la CGT parvenait à faire rentrer les manifestants dans la salle des fêtes de la mairie. Aldebert Valette, maire communiste, et François Dumez, secrétaire général de l'UD-CGT du Nord, tentaient d'obtenir dans le calme, le droit de tenir un meeting à l'intérieur des murs.
«J'ai reçu l'ordre de vider la mairie et les annexes», répondait le sbire du préfet, ce dernier confirmant lui-même par téléphone.
La police investissait alors la mairie, malgré l'opposition pacifique du maire. Elle violait la maison communale et on ne devait qu'à la volonté de calme et de sang froid du service d'ordre CGT et de la population qu'il n'y ait pas d'incidents.
Les forces de répression avaient visiblement pour consigne de pousser à bout les limites de la patience, à provoquer. Elles en furent pour leurs frais.

C'est dans la dignité que des centaines de personnes partaient des lieux, défilant en chantant «La marseillaise» devant les casques et les fusils crosses en l'air.
Aldebert Valette prenait alors la parole au cours d'un meeting improvisé. «Nous continuerons d'aider la CGT à faire parler les travailleurs», affirmait-il tandis que la foule applaudissait et chantait : «Radio-Quinquin vivra, on est là pour ça. Ah ! il fallait pas qu'ils cassent. Ah! il fallait pas casser.»
À Lens, en présence notamment de Marcel Barrois, secrétaire de la fédération CGT du sous-sol, de Danièle Allassonnière, secrétaire général de l'UD-CGT, Raymond Dumont, sénateur communiste, Yves Coquelle, secrétaire fédéral, les forces de répression brisaient la grand porte de la Maison des mineurs. Lieu historique s'il en est. Elles blessaient un photographe de la «Tribune des mineurs», saccageaient, découpaient l'antenne au chalumeau. Certains n'en croyaient pas leurs yeux quand ils virent dessinés des croix gammées et autres signes S.S. sur certains casques.À Auby comme à Lens, la réaction populaire s'amplifiait rapidement. Manifestation et meeting de mille cinq cents personnes à Auby, au cours duquel François Dumez saluait notamment la présence et le soutien du Parti communiste, représenté par de nombreux dirigeants et élus. Mille manifestant à Lens pour une marche sur la sous-préfecture, avec là encore, la présence des communistes. Et Radio-Quinquin redémarrait. C'est ainsi que, tandis qu'ils étaient obligés de recevoir notamment Georges Hage, député, le procureur de la République et le sous-préfet eurent droit à une heure d'émission sous leurs fenêtres!

Avion : une fière riposte
À Avion, comme à Auby, la population a fièrement riposté autour de son député-maire, Léandre Letoquart, à l'agression des CRS qui n'ont finalement réussi à saisir qu'un vieil émetteur, «un émetteur de diversion» comme disait un militant CGT.
En effet, dès après les attaques à Auby et à Lens, Radio-Quinquin réémettait pour quelques heures depuis cette municipalité communiste située près de Lens.
Arrivés à la porte du logement HLM où se trouvait l'émetteur, les policiers trouvaient une femme leur demandant ce qu'ils voulaient, expliquant qu'il fallait demander à son mari d'ouvrir. Celui-ci exigeait alors des policiers qu'ils glissent un mandant de perquisition sous la porte, mais ceux-ci tentaient de défoncer la porte.
Ils devaient ensuite visiter l'appartement de fond en comble, emportant l'émetteur qu'ils sortaient clandestinement des HLM.Pendant ce temps, dans la cité de la République, les provocations des CRS avaient provoqués des heurts : les jets de pierre et d'objet divers répondant aux grenades lacrymogènes. Un manifestant devait être frappé d'un coup de crosse au ventre et hospitalisé. Cependant, devant la foule qui grossissait et les forçait, les transistors et les autoradios retrouvaient Radio-Quinquin sur 101 MH, jusqu'au moment où les forces  de répression intervenaient une nouvelle fois à Avion, d'où un vieil émetteur avait pris le relais.
Là encore, l'intervention donnait lieu donnait lieu à une grande manifestation populaire. Les gendarmes battaient en retraite, littéralement assaillis.
Léandre Letoquart, député-maire communiste d'Avion, était lui aussi aux côtés des manifestants.

À Rouvroy-sous-Lens, les hommes casqués faisaient chou blanc. Ils terminaient piteusement une journée au cours de laquelle ils n'avaient réussi à prendre en tout et pour tout que deux antennes et un vieil émetteur.
L'essentiel du matériel leur a échappé et Radio-Quinquin s'est renforcé dans le coeur de dizaines de milliers de travailleurs et d'habitants du Nord-Pas-de-Calais.
Dimanche soir, une souscription avait déjà permis de recueillir le prix d'une antenne, sinon plus. Deux jours après la marche des mineurs, huit jours après Manufrance, quelle grande semaine de lutte.
Et c'est encore en lien avec la journée nationale de la CGT pour la Manu, à laquelle ils s'apprêtaient à participer, qu'une grande manifestation régionale CGT de protestation se déroulera à Lens mardi à 17 heures. Elle a d'ores  et déjà le soutien total des communistes.

Reportage MARC DUBOIS, BERNARD GUERY

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Auby le dimanche 26 octobre 1980
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Marc Dubois, journaliste à Liberté
   
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